▽ Maybe we were sex friends one day but now,our past follows us.

Il y avait seulement deux endroit à Taleville où Nolan aimait se rendre lorsqu’il n’était pas chez lui à tenter de soigner en vain une bonne gueule de bois ou à espionner pour la reine: son lieu de travail bien-sûr, où il pouvait combiner la musique et les arnaques mais aussi le seul disquaire de la ville. Ce n’était pas vraiment un secret, c’était son magasin préféré, c’était là qu’il aimait passer son temps de ’pause’. Il aimait déambuler dans les rayons, entre les disques et les vinyles, écouter ceux-ci même s’il commençait à les connaître par cœur. Il ne s’en lassait pas. À vrai dire, il s’imaginait toujours repartir avec des tonnes de disques qu’il écouterait le volume à fond dans sa belle voiture ou dans sa grande baraque de gosse de riche, quitte à déranger ou réveiller tout le voisinage. C’est alors tout naturellement qu’aujourd’hui, Nolan se rendit à La fête de la musique. L’après-midi était déjà bien avancé quand il entra dans le magasin mais pour lui, c’était presque le début de sa journée. Doucement le matin, pas trop vite l’après-midi. Il n’y avait qu’un seul autre client. Le vendeur le salua chaleureusement. Il avait l’habitude de voir le musicien dans sa boutique. Il était d’ailleurs heureux de voir Nolan débarquer car il fallait avouer que c’était le seul endroit (hormis le bar une fois encore) où il n’avait pas des oursins dans les poches, où il dépensait sa fortune sans compter. Nolan salua à son tour le disquaire, il affichait comme toujours son sourire hypocrite. Ils discutèrent brièvement des nouvelles arrivées, d’instruments… De musique tout simplement. Mais comme toujours, cela fatigua rapidement Nolan qui prit congés du vendeur afin de passer aux choses vraiment intéressantes d’après lui. Il se mit à errer au milieu des  rayons, faisant glisser ses doigts sur les pochettes des vinyles, chantonnant à tue-tête la chanson qu’il avait chanté à Pinocchio « Aïe dirildidi! A moi la vie d´artiste. On peut porter des gilets tout droits, de gros diamants à presque tous les doigts. Aïe dirildida! La vie est un gala. Et quand on est une célébrité, le monde est à nos pieds. ». Ça l'amusait de chanter ça, personne ne comprenait cette référence qui n'en était pas vraiment une mais lui, lui il n'avait pas oublié.

La porte du magasin s'ouvrit à nouveau, un léger sons de cloche retentit dans la boutique quasiment vide. Nolan tourna la tête, par réflexe et surtout par curiosité. C'est là qu'il la vit, Ehawee. Cette jeune femme qu'il ne connaissait que trop bien. Ils s'étaient connu il y a quelques années maintenant. Ils s'étaient même fréquentés pendant pas mal de temps. Ils n'étaient pas sorti ensemble officiellement, ils avaient simplement passé de nombreuses soirées ensemble à boire, à fumer, à s'amuser et finissaient souvent la nuit ensemble. Ils étaient ce qu'on appelait sex friends. Officiellement aucune attache, aucun sentiment, aucune déclaration, aucune sortie en tête-à-tête. À l'époque, Nolan se complaisait dans cette relation. Ils s'entendaient bien tout les deux, Nolan l'aimait bien et surtout, le musicien de rentrait jamais seul à l'époque. Et puis, du jour au lendemain, Ehawee avait décidé de faire attention et avait donc couper les ponts entre elle et Nolan. Celui-ci l'avait relativement mal pris. Un peu trop fier, il avait vu ça comme une attaque personnelle envers sa dignité. On ne quitte pas Nolan Dumas, c'est Nolan Dumas qui quitte. Enfin... D'après lui. D'après sa logique d'égocentrique. À chaque fois qu'il croisait Ehawee, il espérait, au fond, la faire retomber dans ses filets.

Nolan reposa le vinyle qu'il avait dans ses mains et se mit à marcher lentement vers le rayon où se trouvait la jeune femme. Tout en sifflant, il se rapprocha et se posta directement à coté d'Ehawee, feintant de regarder les disques à nouveau.

« Un regard et c'est tout? J'ai pas le droit à un bonjour digne de ce nom? »

Pour le coup, il l'avait connu moins farouche. Mais ça, c'était avant qu'elle ne se décide à 'mûrir'. Ils n'étaient plus vraiment en phase maintenant mais Nolan voyait cela comme une sorte de défi à relever. C'était une façon de pensée assez misogyne mais peut-être qu'au fond, il essayait juste de se dissuader que oui, il avait été, entre guillemet, lâché pour la première fois de sa vie. De cette vie du moins.

▽ Maybe we were sex friends one day but now,our past follows us.

Dans cette vie comme dans l'autre, Nolan avait toujours vécu dans l'excès. Il s'était toujours senti tellement bien à se comporter comme il ne fallait pas. Tout ce qu'il aimait était dangereux. Vivre normalement, il trouvait ça bien trop ennuyeux. Aujourd'hui, dans ce monde, il avait les moyens de vivre la vie qu'il avait toujours voulu. Un véritable épicurien. Une vie de luxure, une vie de démesure qu'il ne comptait plus en billets mais en gramme, en cadavre de bouteilles et en conquête. Ehawee avait partagé une courte partie de cette vie. Ils avaient parcouru ensemble un bout de chemin. Chemin court et tortueux. Mais n'étaient-ce pas les chemins les plus intéressants à arpenter? N'était-ce pas plus passionnant qu'un chemin droit, monotone? C'était la façon de penser du musicien en tout cas. Avant, il lui était arrivé de croire qu'Ehawee pensait comme lui. Que c'était pour cela que leur 'relation' avait fonctionné plus longtemps que les autres parce qu'elle aussi, elle ne voulait pas d'attache. Elle ne cherchait pas quelque chose de sérieux. Elle voulait vivre vite, vivre bien. Comme lui. Ils étaient beaux ensemble. Mais le temps faisant son oeuvre, ils étaient aujourd'hui littéralement opposés dans leur façon de voir les choses et surtout dans leur façon de voir cette étrange chose que l'on appelle l'amour. Une fois, juste une fois, alors qu'il rentrait seul d'une de ses soirées trop arrosées, il s'était demandé jusqu'où ils auraient pu pousser cette 'histoire' si la jeune amérindienne n'avait pas coupé les ponts ou si lui aussi il avait changé, s'il s'était assagi. Dieu seul le savait et Nolan n'y réfléchissait plus. La question ne se posait plus après tout. Ils avaient tout deux tourné la page, sans pour autant oublier ce qu'ils avaient partagé, un court instant.

Ehawee répondit à la remarque de Nolan non sans lancer une pique. Le jeune homme secoua la tête, lâchant un mélange de rire et de soupire à l'égare de son ancienne amante.

« Ne me parle pas de dignité s'il te plaît, tu étais moins farouche que ça avant quand-même! »

Ok... Cette remarque n'était pas très intelligente de sa part mais il était comme ça. Quand on lui lançait des piques, il les renvoyait sans réfléchir. Lorsqu'il était sur la défensive, il ne prenait pas en compte que les mots pouvaient parfois blesser plus que les actes.

« Plus sérieusement, tu t'intéresses au disco maintenant? » dit-il en attrapant un vieil album, la bande originale du film La fièvre du samedi soir « Ou bien tu venais juste ici dans l'espoir de me croiser? » un sourire sarcastique vint étirer ses lèvres, dévoilant ses dents un peu trop blanches.