MERE-GRAND VEUX TOUT SAVOIR, AVANT, DANS LE MONDE DES CONTES, T’ÉTAIS QUI ? Grand Coquin  n’était pas destiné à avoir une existence extraordinaire comme les héros du Royaume Enchanté. Il n’était pas le fils d’un grand roi, ne vivait pas dans un château, ne possédait pas d’or et encore moins de pouvoirs magiques. À vrai dire, il n’était rien : personne. Il était né quelque part au beau milieu de la Forêt Enchantée ; là où il a grandi et là où il menait une enfance ‘normale’, sans attrait et sans argent. Mais le renard se complaisait dans cette situation. Il ignorait encore tout de ce que pouvait être une vie d’aventures et, en réalité, il ne connaissait que cela. La banalité et la misère. Très vite, Grand Coquin se rendit compte que quelque chose n’allait pas, que sa situation était différente de celles des autres, surtout de ses frères et sœurs. Il était à part, mis de côté par sa famille. Il était, en quelques sortes, le souffre douleur de la famille. C’était de lui dont on se moquait parce qu’il ne savait pas chasser, c’était de lui dont on riait parce qu’il ne savait ni lire ni écrire, c’était de lui dont plaisantait parce qu’il n’avait pas d’amis. Ô bien-sûr, il avait un ami, un orphelin complètement benêt nommé Gédéon mais voilà, c’était un chat, pas un renard alors pour sa famille, cela ne comptait pas.

Plus il grandissait, plus il rêvait d’évasion. Grand Coquin voulait voir la ville, quitter cette forêt, quitter le terrier familial, loin de cette famille ingrate qui ne lui apportait rien plus qu’une haine grandissante en lui. Pourtant, il ne faisait rien pour changer cette situation. L’extérieur l’attirait mais l’intérieur le retenait. Il était à la fois effrayé et attiré par l’inconnu et la grandeur. Parfois, il se perdait à rêver qu’un jour, il oserait. Il oserait partir, gagner le village, vivre parmi les humains, où il trouverait à coup sûr, la fortune. Un jour, oui un jour, il partirait.


À sa grande surprise, ce jour arriva bien plus vite que prévu. Un coup de pouce du destin ou un simple hasard, il ne saurait dire. Un soir, alors qu’il avait passé la journée à persécuter les plus jeunes avec Gédéon ; Grand Coquin rentra chez lui à reculons. Il cherchait déjà l’excuse qu’il allait bien pouvoir sortir à son père pour être rentré aussi tard quand des cris agitèrent ses oreilles, une odeur de fumée vint titiller ses narines. Une odeur de brûlé plus précisément. Il releva légèrement le museau et son regard s’ajusta. C’était sa maison qui était entrain de brûler, sa famille qui était entrain de crier… C’était sa délivrance. Son laissé-passé vers la vie qu’il désirait tant. Son pas s’arrêta alors. Et, après un dernier regard, il tourna les talons. Il ne voulait pas savoir si sa famille allait s'en sortir, il voulait partir. Grand Coquin se mit alors à courir. Il courait aussi vite qu’il le pouvait à la recherche de son ami Gédéon. Lui aussi, à son tour, il était libre. Plus de famille, plus d’obligations. « On peut se tirer d’ici, on peut partir dans le grand village de l’autre côté de la forêt. On va devenir riche, je le sens ! ». Gédéon se contenta de dodeliner de la tête. C’était un chat naïf, qui croyait tout ce que lui disait Grand Coquin.


Les mois passèrent, les années passèrent. Grand Coquin était devenu un adulte maintenant. La ville ne lui avait pas apporté ce dont il rêvait étant enfant mais il avait trouvé mieux. Il avait trouvé un passion et surtout, il avait trouvé quelque chose pour lequel il était doué. C’était un escroc hors-pair et l’or était sa motivation. Son bagou faisait qu’il pouvait en quelques sortes, contrôler les désirs d’autrui. Il pouvait leur faire croire qu’ils désiraient des choses improbables. Et bien-sûr, il sortait toujours gagnant de ces arnaques. Toujours accompagné de son fidèle ami Gédéon, il sillonnait les rues à la recherche d’êtres faibles, naïfs, innocents. En ville, il avait les connaissances nécessaires pour ses affaires, notamment Stromboli et Le Cocher.


Un jour, Grand Coquin croisa un petit pantin de bois qui parvenait à marcher sans ficelles. Le petit pantin se nommait Pinocchio et disait vouloir se rendre à l’école pour son premier jour. Grand Coquin parvint alors à lui faire croire que ce qu’il voulait, ce n’était pas s’instruire mais bien devenir un artiste. Il l’amena alors jusqu’à la roulotte du marionnettiste un brin nerveux, Stromboli. Il parvint à tirer un bon prix de Pinocchio. Ou du moins, c’est ce qu’il croyait. Il s’était clairement fait arnaqué mais il ne pouvait pas refuser de l’or. Le soir-même, il se rendit avec Gédéon à la taverne du coin pour fêter cela. C’est alors qu’il tomba sur Le Cocher. Celui-ci lui expliqua son projet, un sombre projet. Grand Coquin sentit alors un frisson s’emparer de lui. Il ne pouvait pas l’aider sur ce projet, c’était trop horrible… Mais une fois encore, l’appel de l’or fut plus fort que tout. Alors il accepta. Quelques heures plus tard, il croisa à nouveau la route du pantin animé. À nouveau, Grand Coquin lui fît miroiter de belles choses et parvint à lui vendre un billet pour embarquer avec le Cocher et d'autres enfants sur une île paradisiaque.

Le renard ne recroisa plus Pinocchio après cela ; il avait d’autres préoccupations. Il avait entendu une rumeur. Une rumeur grandissante d’après Stromboli. La Reine souhaitait lancer une malédiction et pour cela, elle avait besoin d’aide de puissantes personnes. Bien-sûr, Grand Coquin n’était pas puissant mais il était rusé. Il pouvait l’aider, il en était persuadé. Et c’est ce qu’il fît. Il l’aida à sa manière, sans magie. Il était envoyé à la recherche d’ingrédients nécessaires, d’objets et autres informations. On pouvait dire qu’il faisait le « sale boulot » mais ce sale boulot allait lui apporter une vie encore meilleure, une vie où il serait en quelques sortes en position de force face aux 'gentils' de l’histoire, une vie où il aurait autant d’or qu’il voulait. Ou du moins, c’est ce qu’il pensait.