« Murie un peu Nico', ça te ferait pas de mal! »
« Et toi si tu faisais preuve d'un peu plus d'ouverture d'esprit, ça ne te ferait pas trop de mal non plus, Chérie. »
Des mots prononcés avec une honnêteté déconcertante des deux côtés. Un roulement des yeux, une femme rageuse, un claquement de porte, puis le plus parfait des silences. Nicolas restait debout au milieu de la pièce à observer la porte d'où Carole était partie, ne pouvant s'empêcher ce léger sourire étirer ses lèvres. Fouillant dans la poche de son pantalon, l'homme prit son téléphone et déverrouilla l'écran, hésitant alors longuement en se rendant jusqu'à ses texto où il trouva rapidement le nom de sa petite amie. Un petit diable sur son épaule droite lui disait de lui lâcher un "alors comme ça, je te quitte, lol.", tandis qu'un petit ange sur son épaule gauche insistait sur le fait de reposer le téléphone à sa place, sans rien dire. Et c'est ce qu'il fit, se dirigeant alors vers le frigidaire pour y prendre quelque chose à bouffer. Indifférent ? Mouais, peut-être un peu. C'était surtout que ça ne le dérangeait pas tant que ça qu'une fille qui ne partageait pas sa passion pour l'humour et le ridicule sorte de sa vie. Voilà. Après tout, il aurait encore miles et unes chances de rencontrer d'autre personne ; si tel était son désir. Mais pour être honnête, ce n'était pas trop dans ses priorités pour le moment, bien au contraire. Armé d'un morceau de gâteau aux carottes, le jeune homme se dirigea vers son laptop pour commencer à bosser et ce malgré le 21h qui venait de passer, et ce malgré la scène que son ex-copine venait de lui faire. Voilà un peu plus de vingt ans maintenant que Nicolas était à Taleville. Oui, vingt ans déjà, et pas une once de ride sur son visage malgré tout. Plutôt étonnant oui, et ce même s'il trouvait cela des plus normal. Vingt ans au moins qu'il travaillait dans cet orphelinat, et qu'il se rendait volontiers à l'hôpital du coin pour y faire du bénévolat. Il fallait avouer qu'il adorait les vieux, fallait pas lui en vouloir. Puis il fallait spécifier qu'il ne s'agissait pas de changer leurs couches, mais bien de les divertir ; nuances. Plus de vingt ans déjà, que Nicolas faisait des conneries à n'en plus finir dans le petit village, se faisant ainsi connaître par tout le monde -pour les bonnes comme pour les mauvaises raisons, évidemment. Il s'en était passé des choses en vingt ans ... autant de bêtises que de mauvais moments. Nicolas aura toujours eu ses bons amis avec lui, et souvent victimes de la critiques des autres, jamais il ne s'est laissé abattre, jamais. Vivant au jour le jour, il est aujourd'hui sur le point de mettre la main sur l'orphelinat où il a donné tellement  de sa personne pour aider les jeunes enfants et leur permettre d'être heureux comme il l'a toujours été. Devenir propriétaire et aider encore plus qu'il ne le fait aujourd'hui, ce serait bien plus qu'un simple rêve réalisé. Bien plus que tout ce qu'il pourrait offrir de bon aux gens qui en ont le plus besoin. Un cognement bref à la porte le fit rapidement sortir de ses pensées, tandis que la voix de Carole refaisait surface.
« Écoutes Nico' ... j'ai mal réagit et je crois que c'est toi qui avait raison ... je suis prête à te laisser une autre chance si de ton côté tu es prêt à faire des efforts pour ne plus agir de la sorte en public. Ou du moins, pas à mes côtés tu comprends ? » Mais le problème était qu'il n'avait pas envie d'avoir une seconde chance ; surtout s'il était pour rester le même malgré tout. Un large sourire étira alors ses lèvres tandis qu'il se levait lentement, remarquant quelques objets personnels à la jeune femme qui se trouvaient évidemment toujours ici. Ce fut à cet instant qu'il prit une voix beaucoup plus mécanique et automatique. « Vous avez bien rejoins la boîte vocal de Nicolas Carl Bourgeois qui n'est pas présent pour le moment, veuillez laissez votre message après le "BIP" sonore ou revenez plus tard ... » « T'arrêtes avec tes conneries oui! J'suis sérieuse! » « Je n'ai pas dit BIP! » S'écria-t-il vivement en se faisant couper la parole, verrouillant à ce moment la porte en écoutant avec joie les gros mots de la dame qui se trouvait derrière. Rancunier ? Oui, bien évidemment.
Nico' avait beau être né en Angleterre et y avoir vécu de nombreuses années tout en voyageant à de nombreuses reprises au travers l'Europe, jamais il n'avait changé. Du premier jour jusqu'à aujourd'hui, il était resté ce jeune con insouciant qui ne vivait que pour une chose ; faire sourire son prochain. Il avait beau être cultivé et brillant, son attitude faisait sans cesse croire aux autres qu'il était bon pour l'asile psychiatrique. D'ailleurs, certains pensent toujours qu'il est complètement fou et cinglé, grandement atteint. Mais ne vous laissez pas prendre au jeu, Nicolas sais tout de même avoir une conversation normale avec les autres. Enfin ... normale selon son échelle de normalité, évidemment. C'était toutefois en Angleterre qu'il avait vécu les plus belles années de sa vie, et malgré tout, en rien au monde le jeune homme n'aurait voulu y retourner. C'était à Taleville qu'était sa place aujourd'hui, et en elle il retrouvait tout ce donc il n'avait jamais rêvé.

Du moins, c'est ce qu'il crois depuis plus de vingt ans déjà ...