Il alluma son cigare, frémissant encore de rage. Comment avait-elle pu ? Il sentait le liquide visqueux dégouliner sur son visage, la théière émettant un son strident alors que l'eau bouillait au dessus du gaz. Les jointures de ses mains s'étaient ouvertes sous les coups qu'il lui avait portés, mais   tout l'alcool qu'il avait bu ce jour là l'empêchai de ressentir une quelconque douleur physique. Il ne sentait en lui que ce bouillonnement de rage qui le travaillait depuis quelques jours. La malédiction avait été brisé, il le savait, il le sentait au fond de lui. Il s'était réveillé un matin, conscient, comme s'il avait été victime d'une révélation divine, et il s'était souvenue de l'affront de sa femme. Elle avait ouvert le cabinet. Elle avait vu tout les autres corps de ses précédentes femmes, qui l'avaient trompés, qui avait trahies sa confiance. Est-ce qu'elle aussi avait partagée son lit avec un autre homme durant son absence ? A cette, pensée, il frappa violemment la table, comme pour se débarrasser de toute cette colère qui l'habitait, mais le corps inerte de sa femme ne bougea pas. Elle était affalé sur sa chaise, la tête baisée, un filet de sang dégoulinant de son visage tuméfié, déformée par les coups que lui avait porté Apollinaire. Il l'entendait encore crier, de sa voix insupportable de fillette. « Mais de quoi tu parles ? » De quoi parlait-il ? Bien sûr, elle ne se souvenait pas de cette vie, passé dans l'autre monde, là où elle lui avait été infidèle, mais lui s'en souvenait très bien. Il avait gardé cette espoir, en faisant un pacte avec la reine, qu'il pourrait garder confiance en sa femme dans  ce nouveau monde, comme un nouveau départ, mais il ne pouvait pas, il était encore rongée par son passé, par ses actes, et sa colère ne voulait pas partir. « Je suis désolée, je suis désolée ! » il l'a voyait encore sangloter, s'accrochant à sa chemise, les genoux à terre. Elle ne savait même pas pourquoi elle s'excusait. Elle était faible, comme le reste de femmes, et Apollinaire n'avait plus eut aucun remord à lui asséner des coups. Mais maintenant, il était là, avec le corps inerte de sa femme juste en face lui. Et ici, il n'avait aucun moyen de conserver les corps dans une salle annexe sans que la puanteur de la putréfaction ne vienne déranger quelques invités. C'est alors qu'un rayon de soleil vint le frapper, la verdure de son jardin attirant son œil. L'été ne restait-il pas le moment parfait pour un peu de jardinage ?


Une semaine de repos avant de repartir. Apollinaire soupira tout en déposant son sac, ne daignant même pas regarder la pile de courrier qui s'était accumulé derrière sa porte. La maison, vide, semblait avoir changé. Comme si, pour la première fois depuis longtemps, du temps semblait avoir passé depuis son départ. Depuis la disparition malencontreuse de sa femme, tous les jours se ressemblait, c'est comme si, malgré le fait que la ville ne soit plus figée, une boucle temporel s'était tout de même installée. Chaque jour, les mêmes choses se passait et, lui qui voyait le temps à l’extérieur de la ville s'écouler, ici, personne ne changeait. Ses associés avait les cheveux grisonnants, leurs enfants vieillissaient mais lui restait le même, et, à chaque fois qu'il revenait, il était à nouveau pris dans cette boucle. Mais, cette fois-ci, il était rentré et de la poussière s'était accumulé sur la table, les fauteuils, dans les recoins et sur le sol... Apollinaire esquissa un sourire. Se pourrait-il que, parmi les quelques étrangers arrivés à Taleville, l'un d'entre eux soit l'élu ? Décidément, ces femmes n'étaient que des autres faibles, sans aucune ressource, méchante sorcière ou pas. Apollinaire décidé cependant d'aller vérifier tout cela par lui-même, resserrant sa cravate et claquant la porte de sa maison pour se diriger vers la ville. Tout était le même, et pourtant. Il y avait une différence, qu'il ne pouvait dire, mais qu'il sentait au fond de lui. La vie semblait avoir repris, ici, à Taleville, pensa-t-il, alors qu'il faisait la queue pour acheter son pain. C'est alors qu'il eut confirmation de sa pensée. « Monsieur Smirnov ! » il se retourna, baissant les yeux pour toiser son interlocuteur. « Cela fait quelques temps que nous n'avons pas croisée votre charmante femme, est-elle souffrante ? » Il resta interdit quelques instants, quelque peu gêné par la question. Il ne pouvait bien sûr, pas dire la vérité, mais il était bien trop fière pour prétendre qu'elle l'avait quitté. Pour autant, cela restait la seule chose plausible à dire. « Elle est partie quelques temps chez des amis, à Paris, pour... réfléchir. Je ne pense pas qu'elle revienne. » dit-il, tout en se retournant. Fin de la discussion, avec la certitude que le temps avait bel et bien repris son court.