I. Je me réveille, sur les genoux de ma soeur, regardant devant moi comme si j'allais comprendre ce qui venait de m'arriver. Était-ce vrai que tout ce que je venais de vivre n'était qu'un rêve . Je me relève alors, regardant ma grande soeur qui lisait toujours ce long et interminable livre. M'étais-je donc endormi d'ennui et avais-je imaginé tout ceci ? Je me sens tremblante. Si c'était un rêve, c'était si long et si réel. J'étais au tribunal et la reine de coeur avait ordonné qu'on me coupe la tête... les cartes s'étaient jetés sur-moi et... et me voilà. Qu'est-ce qui était réel ? Ma soeur lève les yeux de son livre pour le regarder. Elle n'est pas dupe et comprend que quelque chose me tracasse, mais elle se contente de hausser les épaules et de poursuivre sa lecture qui semblait plus importante. Je commence à m'éloigner, voulant retrouver le terrier du lapin, mais j'ai beau chercher, je ne vois rien. Mon nom est Alice. Ma famille et moi vivons dans un petit royaume entouré par l'océan. Ici, la magie est prohibée et l'étiquette est de mise. Je m'y sens à l'étroit et j'étouffe parfois. Je rêve de voyage, de quitter notre royaume et d'aller plus loin pour découvrir les montagnes éloignées. J'ai la sensation que tout ce que je viens de vivre n'est pas faux. On dit que dans un rêve on ne peut pas lire et pourtant, je me souviens parfaitement de ce qui était écrit sur ce flacon et cette boîte. Non, tout ceci était vrai et un jour je le prouverais. Je me mets alors à courir à travers le jardin de notre château avant de m'enfermer dans ma chambre, espérant que personne ne vienne me déranger. Il me fallait dessiner, écrire quelque part ce que j'avais découvert. Il fallait que jamais je n'oublie et que j'y crois. Notre Roi nous répètes sans cesse que la magie c'est mal, qu'il n'apporte que le malheur. Je sens que c'est faux et pour la première fois je doute de ses mots. Après tout, quelque chose m'a sauvé. On allait me couper la tête, mais je suis bel et bien de retour chez moi .

Je griffonne comme si j'étais malade, en transe. Je ne m'arrête pas. J'avais poussé mon armoire jusqu'à ma porte pour bloquer l'unique entrée de ma chambre. Je voulais tout noter, dans le moindre détail. J'essayais aussi de deviner, de comprendre ce que tout ceci voulait dire. On raconte que les servants avaient défoncé ma porte avant de m'arrêté, mais que j'étais trop ailleurs pour le comprendre.

II. J'ai 17 ans, voilà deux ans que le pays des merveilles est introuvable. Je perds peu à peu espoir alors qu'on m'annonce que je vais me marier avec le fils d'un grand ami de mon père. Je dois épouser un inconnu. Le seul point positif, sans doute, et qu'il vient d'ailleurs. De l'autre côté de l'océan. Il doit en savoir des choses. Il a peut-être déjà vu un dragon ? Je ne sais pas vraiment qui il est et qui est ce grand ami de mon père, mais je sais juste que je ne me sens pas prête à me marier. Ils auraient pu donner ce type à ma grande soeur, qui est à peine plus grande que moi et qui n'a pas de mari. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai parfois l'impression que tout le monde l'oubli, elle.

III. Je ne l'ai toujours pas vu et pourtant, je suis là, dans une belle robe blanche. Les essayages me forcent à affronter la réalité. Le pays des merveilles n'a jamais existé et je ne peux pas m'y enfuir. Je suis condamné. Je me balance sur ma chaise à bascule, regardant par la fenêtre de la pièce. Ma soeur m'a laissé tranquille pour que je me change, mais à quoi bon me regarder dans le miroir . J'ai juste envie de partir, de sauter par la fenêtre et de suivre le lapin blanc de nouveau et peut-être de boire le thé avec le chapelier fou, qui sait ? Dans un élan d'ennui total, je finis par me lever de mon fauteuil pour me diriger à pas lent vers le miroir. Je m'y vois alors, toute de blanche vêtue. Mes cheveux sont tirés en arrière, quelques mèches à peine me tombent dessus. Je me sens tellement jeune pour un mariage. Ma robe me sert un peu trop, mais elle est si belle. Je ne devrais pas m'attacher à cette image, je finirais bien par trouver une solution pour m'échapper de tout ça. Soudain, je fronce les sourcils regardant le miroir de plus près. Ma robe change-t-elle donc de couleur ? Je la vois passait du noir au blanc, en partant de la dentelle du bas. Je me rapproche alors quand mon pied se coince dans le tapis et que je tombe dans le miroir....

IV. C'était différent cette fois, tellement différent. J'ai l'impression qu'une vie est passée. J'étais devenu reine, j'avais trouvé la dernière case. Mais encore une fois, j'étais de nouveau de retour chez moi. Qui donc jouait avec mon esprit de la sorte ? J'étais assise sur le sol, toute décoiffé, ma robe déchirée et loin d'être immaculé comme au début. J'étais essoufflé, cette fois tout était allée si vite. Je relève la tête pour voir alors grande-soeur devant moi.

« - C'était toi, n'est-ce pas ? » Elle semble ravie, mais quelque chose dans son regard me dit qu'elle est en colère. Peut-être était-ce dû au fait que j'avais gagné ? Elle se pencha alors vers moi, un léger sourire sur le visage. « - Ce n'est pas parce que la magie est interdite, qu'elle n'existe pas à l'intérieur de ce royaume. Ton ennui m'attristais, alors j'ai cru que te divertir me divertirais moi... »

- Ils allaient me décapiter...
- Mais je t'ai fait revenir avant.
- Et là, tout ce qui s'est qui est arrivé...
- Je n'allais pas te laisser profiter de ta victoire, il ne faut pas abuser des bonnes choses.
- Mais alors, ces mondes existent vraiment ?
- Oui.
- Et pendants tout ce temps, tu m'as laissé croire que non ? Tu m'as rendu folle ! Qu'est-ce que tu es ? Et comment tu fais ça ? Ne t'approche pas de moi !
- Je ne suis pas certaine de vouloir répondre, chère Alice. Parfaite Alice. Tu es gracieuse, angélique et ta curiosité laisse croire à ton impertinence. Tu plais et ton ombre commence à peser sur mes épaules. Je pensais te laisser mourir au pays des merveilles, mais je ne savais pas. C'était trop facile. Je ne pensais pas que de l'autre côté du miroir, tu arriverais à me détrôner. Tu m'as surprise, mais puisque tu ne possèdes aucune magie, c'est assez facile de te faire du mal.
- Tu es cruel.
- Non, je fais ce que je peux, avec ce que j'ai. Je ne suis peut-être pas assez bien pour qui que ce soit ici, mais là-bas, c'est moi qui contrôle tout. » Elle replace amicalement une de mes mèches de cheveux qui se baladait sur mon visage au grès d'un courant d'air. « - Alice, Alice... J'ai eu le plaisir de te coller l'étiquette de la folie sur le dos. Mais ce n'était qu'un début. J'ai grandi effacé par ta présence, maintenant que tu m'as volé un trône auquel tu ne peux même pas accédé, tu peux être certaine que je n'en ai pas fini avec toi. » Elle se lève, s'en allant doucement vers la porte. Sa longue chevelure d'or sur le dos. Elle se retourne une dernière fois, ses yeux vers croisant les miens. « - Si j'ai un conseil à donner, fait attention à ta tête. » J'entends son rire disparaître au loin alors que mon coeur bat toujours à tout allure.

V. Ma soeur avait disparu peu de temps après, effaçant son souvenir des visages qui l'ont un jour croisé. Ce qui me rendait davantage folle lorsque je parlais d'elle par accident. Je crois qu'elle a toujours voulu qu'on la remarque, sans pour autant utiliser sa magie. Ça aurait été trop facile et tellement faux sinon. Son départ n'était pas un soulagement pour moi, bien au contraire. Je me doutais qu'elle se cacherait quelque part. J'avais peur. Constamment. Ne pas savoir qu'elle était là, me rendait dingue. Qu'allait-elle me faire subir ensuite ? Je n'ai jamais su pour la malédiction. Mais ma soeur en faisait partie. Elle a contribué à sa façon. Des rumeurs couraient dans le royaume qu'une méchante sorcière allait lancer une chose horrible, mais le roi affirmait que rien ne pouvait nous atteindre, ici. Et le jour où la fumée à frapper, j'ai croisé le regard de mon fiancé. Une fraction seconde seulement. Avant que le reste emporte mes souvenirs et ma vie...