Il arrive dans une belle voiture noire. Neuve, nettoyée impeccablement par de douces petites mains (bien entendu, pas les siennes), il porte un costume cravate, des lunettes de soleil. Il klaxonne avant de se lever pour l’attendre devant la maison, posé contre le capot à profiter un peu de la chaleur du soleil printanier. Il baille un coup, la nuit fut courte. Il ne peut pas le nier, pourtant, il aurait préféré se reposer. Il soupire et regarde sa montre, mettant ses mains dans ses poches. Enfin, elle arrive. Diva, Reine, Boss. Elle est un peu tout ça à la fois. Quand on les observe de loin, on se dit qu’il est le parfait petit toutou d’une femme avec trop d’argent et qui doit bien l’amadouer comme ça. Personne ne peut comprendre ce qu’ils ont vécu ensemble, ni à quel point il peut lui être fidèle et pas seulement parce qu’elle a fait de lui un homme avec un certain pouvoir. Non. Il y’a bien plus que ce qu’on peut voir. Il lui ouvre la portière, elle grimpe avec un petit sourire en coin. Il fait le tour de la voiture et prend le volant. Avant de s’attacher, il lui tend un café au lait, puis un journal dans lequel se trouve une rose rouge. Rituel du matin.

Il jette un regarde par la fenêtre et aperçoit ce cher Louis qui les observe. Un sourire narquois se dessine sur son visage alors qu’il prend la route pour rejoindre l’agence. « Des nouvelles intéressantes ? » Il se mord la lèvre comme souvent, fixant la route tout en la regardant dans le rétroviseur. « Hmm… Le Maire fête bientôt son anniversaire. » Il rit doucement avant d’emprunter la grande route. « Disons que j’ai vu et entendu certaines choses. » Il voit le regard d’Alma changer, pas besoin de mot pour comprendre qu’il a piqué au vif sa curiosité. Il connait les mots à lui susurrer tendrement. Il sourit à nouveau avant de laisser un petit soupir s’échapper du galbe rosé de ses lèvres. « J’ai… vu plusieurs rapprochements. » « Je déteste quand tu me fais languir de la sorte, je suis loin d’être une moule sur son rocher ! » Il a un petit rire. « Non, tu es une perle dans une huître sertie de pierres précieuses. » Il la flatte, il la regarde, il se fait prudent sur la route. « Un pianiste, un chaton qui se rapproche d’une ancienne mariée, c’était assez intéressant à observer. Il semble constamment sur ses gardes, sauf quand elle est prêt de lui. » Il s’arrête à un feu rouge et se masse la nuque avant de faire craquer son cou. « Et l’autre ? » Il se tourne vers elle. « Celui-là risque de te plaire. » Il démarre à nouveau quand ça passe au vert. « La Belle s’est apparemment retrouvé coincé avec le chasseur, seul à seul. » Il bifurque dans une rue et roule un peu plus vite, slalomant entre les rues étroites. Talleville n’était pas vraiment pratique par moment. « Oh vraiment ? » Il a reconnu son ton malicieux, ce ton qu’elle arbore lorsque la nouvelle lui plait réellement et que son cerveau se met en route. Il sourit encore. « Je savais que tu aimerais. Mais j’étais sincère pour le maire, j’ai suggéré hier à sa secrétaire de t’inviter à la fête et de prévoir un accompagnateur. Ça sera une bonne occasion pour… se rapprocher un peu du gratin. »

Il se gare enfin devant l’agence, sort et vient lui ouvrir la portière avant de lui tendre la main. Elle s’en saisit et sort avec une attitude royale. Il aime tellement ce qu’elle dégage. Il ferme la voiture et la rejoint pour lui ouvrir la porte et la suivre dans le bureau. Il s’arrête devant la secrétaire et ramasse le courrier. « Des appels ? » « Non Monsieur Valentin. » « Des choses importantes ? » « Non Monsieur Valentin… » « Super, alors, soyez mignonne, ne venez pas nous dérangez, sauf si c’est VRAIMENT important. D’accord Louise ? Rester invisible, c’est ce que vous faites de mieux ! » Il lui offre son magnifique sourire, elle salive intérieurement et extérieurement malgré les mots blessants. « Bien Monsieur Valentin. » Il hoche la tête satisfait de la réponse et rejoint Alma dans le bureau avant de fermer la porte. Il trie le courrier et lui donne ses lettres avant de regarder les siennes. Il se met dans un fauteuil, jambes croisées, air avachi, pourtant, il reste princier. « Au fait, comment ça s’est passé hier soir ? » Argh, il aurait préféré qu’elle oublie. « Bien, mais je n’avais pas spécialement envie de me rappeler ça. » Il soupire et jette son courrier dans la corbeille. Rien d’intéressant de toute façon. « Tout s’est déroulé à merveille… Comme prévu, mais… Argh, franchement, ce fut difficile. » Il en frissonne rien qu’en y pensant. « Tu es donc si précieux ? » Elle rit, elle le toise, elle ironise. Il la fusille presque du regard. « Je te signale que le sale boulot est TOUJOURS pour ma pomme, je sais que c’est le deal, mais quand même ! Tu pourrais au moins m’envoyer en mission auprès de femmes jeunes ET belles ! Elle devait avoir 54 ans, elle avait un dentier dans le haut des dents et le pire de tout… son parfum immonde. J’ai dû prendre deux bains pour m’en débarrasser. » « Hormis tes soucis olfactifs, raconte ! » Il soupire et vient se poser sur le coin du bureau, croisant ses bras. « Pendant qu’elle dormait, je suis allé voir dans son bureau. Il est encore à l’étranger, c’était assez flou… Laos, Thaïlande… j’en sais rien. Bref. Mais ! Il va revenir le mois prochain. » Il se lève et va vers le buffet pour préparer des cafés, mais ô, mauvaise joie. « Je vais l’étrangler… LOUISE ! » Il crie tellement fort qu’elle rapplique en moins de dix secondes. « Le thermo doit être rempli quand on arrive ! REM-PLI ! Hors, il est complètement vide. Pourquoi ? » Elle essaye d’ouvrir la bouche, il pose un doigt sur les lèvres roses de la demoiselle. « Parce que vous êtes incapable de faire correctement votre boulot, mais nous, nous sommes trop gentil. Je veux du café dans ce thermos et je le veux depuis cinq minutes. C’est compris ? » Elle prend l’objet et part en courant.

Il grogne faussement, avant de regarder la Reine qui rit. « Quoi ? » « Tu l’as encore faite pleurer. » « Et alors, on est là pour ça non ? Briser des cœurs. » Il retrouve son sourire avant de retrouver une douleur dans le sien. Une douleur encrée depuis trop de temps et qui le ronge. Son visage se durcit, il devient terne, presque fade. Comment oublier une douleur aussi atroce. Elle lui rappelle chaque jour à quel point LUI, il est vivant. Ça fait si mal qu’il se jetterait bien sous un train parfois. Elle lui attrape le menton violemment avant de le fixer dans les yeux. « N’y penses plus ! Et c’est un ordre. » Il la repousse, il s’éloigne, il enrage intérieurement en faisant les cents pas dans le bureau. Louise revient. Il a un regard noir. « J’avais dit : pas de dérangement. » « Mais... mais c’est le… le…. » « Le….le… le…. Rah ! » Il attrape le thermos et la repousse avant de lui claquer la porte à la figure. « ASSIS ! » L’autorité le saisit, il la fixe, il la jauge, mais elle ne lui laisse pas de choix. Il se met dans le fauteuil en mode boule de nerf, puis délicatement, elle l’enlace en se mettant derrière lui. Aucun mot. Aucun son. Rien. Ils n’en ont pas besoin. Quand elle sent le cœur du jeune homme se calmer, elle se redresse, il a envie de pleurer, il se retient. Il ne veut plus pleurer par douleur, il le fait seulement pour attendrir les cœurs. « Il faut que tu te reprennes, le travail est loin d’être fini. » Il ne bouge pas durant une bonne minute avant de finalement sourire et de reprendre ce beau visage d’angelot presque trop parfait. « En effet… Il faut qu’il ne revienne jamais ici. Je sais ce que j’ai à faire encore ce soir. » Il va servir les cafés, deux minutes plus tard, on peut entendre des rires venir du bureau. La routine habituelle ? En quelque sorte. Bienvenue dans le monde de la séduction et des faux-semblants. Bienvenue entre ses griffes.