MERE-GRAND VEUX TOUT SAVOIR, AVANT, DANS LE MONDE DES CONTES, T’ÉTAIS QUI ?

« Naon ! Mamaaaan, je veux pas aller au lit maintenaaaant ! » les bras du gamin fendent l’air dans tous les sens, ses petits couinements se font plus réguliers tandis que ses yeux, façon Potté, attendrissent le petit cœur de sa mère. Celle-ci, assise sur le côté du lit, lui lance, avec un léger sourire narquois : « Tu ne voudrais tout de même pas que le Bonhomme Sept Heures viennent te rendre visite, pas vrai ? » La petite tête blonde se fige soudain. « C’est qui, lui ? » Sa génitrice ne perds pas son sourire et se penche un peu plus au-dessus de son fils, l’obligeant ainsi à s’enfoncer dans les plis de sa couette. « Je ne t’ai jamais raconté la mémorable aventure des gardiens ? » Les pupilles marron du gosse s’illuminent ; il adore les histoires. Plongé dans un enthousiasme nouveau, il fait vivement non de la tête, empoigne son nounours et prête une oreille attentive aux paroles de la conteuse. « Avant de se lancer dans la grande bataille, on va commencer par en apprendre un peu plus sur un des gardiens que peu de gens jusque-là connaissait... »

» Il y a deçà des années vivait une petite famille de fermier, à l’orée des bois, dans un petit village du nord. Bien que les étés fussent courts et les hivers rudes, cette petite famille vivotait tranquillement. Le père se dévouait à ses champs et la mère a ses trois plus jeunes enfants, tout juste nés. C’est pourquoi il était de la charge de l’aîné de s’occuper de la benjamine. La petite Olivia avait dix-ans, comme toi, et, un jour où la neige ne tombait plus et que le temps avait gelé les eaux, son frère Jack avait décidé de l’emmener faire un peu de patinage, sur le lac en aval, à deux lieues de la maison. Après que leur chère mère leur ait souhaité bon voyage et fait promettre qu’ils seraient prudents, ils se mirent en route, tout guillerets qu’ils étaient à l’idée de passer une bonne journée. Jack était assez connu dans son petit village, c’était un grand garçon aux épaules solides et au sourire permanent. Il jouait avec les enfants et faisait grogner les adultes, un petit rebelle qui jouait des tours aux autres. « comme moi ! » Oui, comme toi ! Après quelque temps de marche, ils étaient enfin arrivés au lac de glace ! Chaque hiver, ils avaient l’habitude d’y venir, ce n’était pas cette année qu’ils allaient changer leur plan. La petite Olivia enfila ses patins et s’élança sur la glace sans même attendre son frère… Quand soudain… « Quoi, quoi, soudain quoi ?! » Shhh, la petite fille était tétanisée et n’osait plus bouger. Un craquement avait déchiré le silence et sous ses pieds, elle voyait la glace se fendre doucement. Il n’avait pas enfilé ses patins qu’il avait déjà entendu ce bruit sinistre. Jack se trouvait face à sa sœur, la paume tendue vers le ciel, tentant de la rassurer. « C’est bon, Oli, ça va aller. Ne regarde pas le sol, regarde-moi. » lui avait-il dit. « Jack, j’ai peur ! » lui répondit-elle alors. La glace continuait de se fendre quand son frère lui répondit sur un ton rassurant qu’il le savait. « Mais, mais, tu vas t’en sortir, Olivia ! Tu ne tomberas pas. Au contraire ! On va bien s’amuser, tu va voir ! » il voulait la rassurer. « Non, on s’amuse pas Jack ! Tu me fais une farce c’est ça ? Tu me joues toujours des tours… » gémit-elle ensuite. Jack s’avance de deux pas sur la glace, les pieds nus. « Pas cette fois, je promets, je te le promets, tu vas t’en sortir ! Tu dois juste me faire confiance ! » Les larmes qui commençaient à rouler sur les joues rosies de la fillette continuèrent à perler mais elle releva la tête et plongea son regard dans celui de son frère. « Tu veux jouer à un jeu ? demanda-t-il. On va jouer à la marelle, d’accord ? Regarde, c’est aussi simple que cela.. Un.. » il fait un pas, la glace se fendille et il fait mine de chanceler et de grimacer pour faire rire sa sœur. Il continue de compter jusqu’à trois en faisait un pas à chaque fois. Il empoigne alors un bâton de bois au bout crochu aussi long qu’il était grand et le tend vers sa sœur. « Okay, à toi maintenant. » Elle fait un pas. Deux pas. Jack tend le bout crochu du bâton vers le corps frêle de sa sœur, prêt à la rattraper. Le reste s’enchaîne très vite. Olivia fait un troisième pas, Jack l’empoigne de son crochet de bois et la pousse sur la rive solide du lac tandis qu’il retombe là où sa sœur se tenait, quelques secondes plus tôt. Ils se relèvent tous deux et se sourient, amusés. Jack s’apprête à regagner la rive pour la rejoindre quand la couche de glace se fend soudainement et qu’il sombre dans les eaux glacées. Le froid le paralyse, il ne peut plus bouger. Il se sent sombrer dans les sombres profondeurs du lac. Il garde les yeux ouverts un instant, n’apercevant que la lune, haute dans le ciel, au travers du trou qu’il a créée. Il n’entend même pas sa sœur crier son nom. Il n’entend rien hormis le remous de l’eau. Il ne ressent même plus rien. Il pense même qu’il devient fou, qu’il meurt, car il voit la lune briller, de plus en plus fort, et s’approcher, toute scintillante. Mais il ne tient plus et ferme les yeux. Les années passent, rien au dehors ne se passe. Il flotte dans les eaux, toujours inconscient mais devenue différent. Ses cheveux, auparavant d'un châtain foncé sont devenus blanc comme la neige. D'un marron enivrant, ses yeux malicieux sont passés à un bleu profond. Même ses vêtements ont tournés, son devenus bleus, gris, givrés. Une nuit enfin, il se laisse porter par une force méconnue qui le remonte des flots et l’élève vers le ciel étoilé. Il pensait que tout était fini, mais il n’en est rien. L’Homme dans la Lune l’avait choisi.

ucey


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